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C'est
que tu rends service, cher squelette, même en pièces détachées : en
colliers ou en amulettes, rituelles ou décoratives, tes vertèbres et tes
côtes se marient aux coquillages, aux fibres végétales ou aux perles de
verre ; on les trouve aux Philippines, au Brésil, au Bénin, au Népal,
au Cameroun, ou en Australie... Et toujours, tu restes serpent, et tu
t'enroules. Ta capacité à enserrer te survit.
Un corps se
reconstitue d'après son squelette ; tu as facilité le travail, la
reconstitution sera élémentaire : une peau - belle évidemment car
tu as le sens des écailles développé, et dessous, des muscles qui
feront de toi un merveilleux accordéon - étirement, contraction. Ta
musique sur le sol alertera nos oreilles ; tu sauras nous charmer de ta
danse.
Tu te dresses encore !
La gueule ouverte, que tu as
bizarrement bien petite. Pourtant, à regarder le diamètre de ton
squelette, tu n'es pas un gobeur d'insectes ; tu caches bien ton jeu !
Tu as pris soin de ne pas souder tes os crâniens pour mieux enfourner
les proies que tu étouffes, par tours successifs, dans tes anneaux. Ton
pouvoir réside dans tes enlacements puissants. Dans ton état actuel, tu
es discret sur cette force. Tu as raison. Le plus grand des pouvoirs est
celui qui ne se voit pas. Tu portes en toi cette sagesse. Tu as su
sauver l'homme de son désir d'immortalité, en ravissant l'herbe que le
vaillant Gilgamesh avait rapportée de son voyage d'au-delà Des Eaux De
la Mort. Et c'est depuis qu'à chaque mue, tu te renouvelles.
Tu te dresses encore !
Notre colonne vertébrale ressemble à la tienne. Est-ce cela que tu nous signales, à nous autres vertébrés humains?
Cette
immortalité que tu nous as ravie, serait elle contenue dans notre
colonne, comme nous le raconte un récit tantrique indien ? Une énergie
divine y serait enroulée comme un serpent, et elle se dresserait pour
nous faire accéder au domaine des dieux.
Tu te dresses.
Et toujours, tu te dresses !
Maria Rijavec