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Un squelette de boa

Squelette
                                                                                            
Tu te dresses encore, boa ! La gueule ouverte !
- Qu'as-tu fait de ta langue, jadis semblable à ton tuteur fourchu, dis-moi, pauvre squelette ? Te voici donc privé de tes repères olfactifs ?
Mais à y regarder de près, toutes tes vertèbres et côtes, elles, ne demandent qu'à se remettre en marche. - Enfin, en marche, c'est beaucoup dire ; en reptation plutôt, en glissement. Tu disposes là d'une belle armée d'os, vraiment, en rangs serrés, prête pour la manœuvre ; à pied d'œuvre.

Mais au fait, tu en as bien eu un jour, des pieds ? Car tu étais un lézard, n'est-ce pas, au sortir de la grande soupe des premiers temps, avoue-le ! Et cette envie de t'allonger, d'où t'est-elle venue ? Est-ce pour avoir perdu tes pattes - ou bien est-ce à force de t'allonger qu'elles ont disparu ?
Franchement, sans tes pattes, tu es mieux adapté. Un reptile sans pattes, c'est plus ergonomique :  de tout ton long, tu épouses ton milieu, ton terrain ; tu fouis, tu glisses, tu nages, et tu peux même te dresser jusqu'à un mètre du sol, dit-on !

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C'est que tu rends service, cher squelette, même en pièces détachées : en colliers ou en amulettes, rituelles ou décoratives, tes vertèbres et tes côtes se marient aux coquillages, aux fibres végétales ou aux perles de verre ; on les trouve aux Philippines, au Brésil, au Bénin, au Népal, au Cameroun, ou en Australie... Et toujours, tu restes serpent, et tu t'enroules. Ta capacité à enserrer te survit.

Un corps se reconstitue d'après son squelette ; tu as facilité le travail, la reconstitution sera élémentaire : une peau -  belle évidemment car tu as le sens des écailles développé, et dessous,  des muscles qui feront de toi un merveilleux accordéon - étirement, contraction. Ta musique sur le sol alertera nos oreilles ; tu sauras nous charmer de ta danse.
Tu te dresses encore !

La gueule ouverte, que tu as bizarrement bien petite. Pourtant, à regarder le diamètre de ton squelette, tu n'es pas un gobeur d'insectes ; tu caches bien ton jeu ! Tu as pris soin de ne pas souder tes os crâniens pour mieux enfourner les proies que tu étouffes, par tours successifs, dans tes anneaux. Ton pouvoir réside dans tes enlacements puissants. Dans ton état actuel, tu es discret sur cette force. Tu as raison. Le plus grand des pouvoirs est celui qui ne se voit pas. Tu portes en toi cette sagesse. Tu as su sauver l'homme de son désir d'immortalité, en ravissant l'herbe que le vaillant Gilgamesh avait rapportée de son voyage d'au-delà Des Eaux De la Mort. Et c'est depuis qu'à chaque mue, tu te renouvelles.
Tu te dresses encore !

Notre colonne vertébrale ressemble à la tienne. Est-ce cela que tu nous signales, à nous autres vertébrés humains?
Cette immortalité que tu nous as ravie, serait elle contenue dans notre colonne, comme nous le raconte un récit tantrique indien ? Une énergie divine y serait enroulée comme un serpent, et elle se dresserait pour nous faire accéder au domaine des dieux.

Tu te dresses.
Et toujours, tu te dresses !

Maria Rijavec

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Mise à jour le 31 octobre 2008
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