Sylvie Deswarte-Rosa.
Francisco de Holanda (Lisbonne, 1517-1584), est portugais en dépit de
son nom. Son père, originaire des Pays-Bas, était enlumineur et engagé
dans la carrière héraldique à la cour du Portugal. Francisco de Holanda a
une formation singulière entre enluminure et humanisme, plus proche des
humanistes, théologiens et cosmographes de la cour que des ateliers des
peintres. Cela explique l'originalité de son approche théorique et
artistique dans l'Europe du XVIe siècle.
Formé à l'enluminure dans
l'atelier de son père et à la cartographie auprès de son oncle le grand
cartographe portugais Lopo Homem, Francisco de Holanda a reçu en outre
une éducation humaniste, teinté de néoplatonisme, à la cour de Jean III
dans les années 1530 à Évora (...). Il resta deux ans en Italie
(1538-1540), profitant dans la Rome de Paul III du réseau des amis
des anciens ambassadeurs portugais à Rome. Il eut accès ainsi au cercle
de Vittoria Colonna et de Michel-Ange qui lui inspirera les célèbres
Dialogues de Rome, le Deuxième Livre de son traité Da Pintura Antigua.
Michel-Ange est alors occupé à la peinture du Jugement Dernier à la
chapelle Sixtine. Holanda rencontra les plus grands artistes alors à
Rome. Durant ces deux ans en Italie, les deux grandes œuvres de Holanda,
son traité Da Pintura Antigua (achevé en 1548 et resté manuscrit), et sa Chronique du Monde en images, De Aetatibus Mundi Imagines
(BN Madrid) sont comme en gestation. Au cours de son voyage vers Rome,
il trouve le thème de l'histoire du Monde partout, dans le Campo santo
de Pise, à Orvieto dans les bas-reliefs de la façade de la cathédrale, à
Florence sur les portes du Baptistère... Une fois à Rome, c'est sans
doute à la vue de la voûte de la chapelle Sixtine, qu'il dut prendre la
décision de traiter à son tour ce thème selon le même programme
iconographique, mais d'une tout autre manière.
De
retour au Portugal l'été 1540, il s'attela à l'écriture de son traité,
introduisant le néoplatonisme dans la théorie de l'art, et en 1545,
parallèlement à l'écriture de son traité, il commença sa Semaine de
Création du Monde, où il va créer ses images les plus extraordinaires.
Il inclura ensuite ces images dans une vaste chronique du Monde en six
Ages qui l'occupera jusqu'au soir de sa vie. S'il suit dans la mise en
page de la semaine de la Création le modèle des grands livres de
gravures de Dürer où l'image fait face à une grande page blanche avec le
texte, il suit ensuite dans sa chronique du monde le
célèbre Liber chronicarum d'Harmann Schedel (Nuremberg,1493), monument des débuts de l'imprimerie, mais en le transformant profondément.