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Portrait de femme dit de Simonetta Vespucci

Piero
Vasari décrivait le tableau de Piero di Cosimo comme « una testa bellissima di Cleopatra »[1], mais l'ajout ultérieur de l'inscription « Simonetta Ianuensis Vespuccia », en hommage à la célèbre muse de Julien de Médicis [2], aurait transformé a posteriori le sujet de l'œuvre. Et si les publications plus récentes sur l'œuvre n'acceptent plus cette théorie d'une inscription ultérieure à la facture du tableau, elles reconnaissent en revanche que l'inscription apposée au bas du portrait lui donne « des connotations d'immortalité »[3].  L'histoire de l'identification du tableau comme portrait (de Simonetta) ou comme image (de Cléopâtre) témoigne de sa richesse symbolique, dont l'ambivalence du motif du serpent, enroulé comme un bijou autour du cou de la jeune fille, nous fait saisir l'ampleur.

L'iconographie renaissante puise à la fois dans l'iconographie chrétienne et antique qui proposent des interprétations contradictoires du motif du serpent. Symbole de la tentation, du mal advenu par la femme et de la destruction, le serpent s'allie plus aisément à la représentation de Cléopâtre[4], car il est responsable de son destin tragique, qu'à celle de Simonetta Vespucci, bien que certains érudits aient vu dans le serpent un « symbole eschatologique en rapport avec le destin de la jeune fille »[5], morte de phtisie à l'âge de vingt-trois ans. Mais lié à l'arbre de vie, il devient symbole positif de guérison, de fécondité ou de sagesse (comme attribut de Minerve par exemple), et il incarne, sous les traits d'une forme circulaire, le symbole universel du temps et de l'éternel retour.









Entre vie et mort, entre réel et imaginaire, l'étrange motif du serpent-collier de l'œuvre de Piero di Cosimo est une apparition fantastique. Telle Méduse, dont le regard agresse et protège tout à la fois, Simonetta est à la fois bourreau et victime, attirante et repoussante. Dans la finesse de ses écailles et les sinuosités précieuses qui habillent la ligne du collier et rappellent les entrelacs de la coiffure, le serpent est le lieu par excellence de l'esthétisation de l'horreur.

L'exécution précise de la peinture, qui se révèle dans les détails du paysage et l'élaboration de la coiffure, fait aussi du tableau la représentation réaliste d'une « simple jeune fille habillée pour un festival ou un triomphe » : entre réel et imaginaire, l'œuvre de Piero di Cosimo se laisse difficilement saisir. Le serpent, par son esthétisation, joue alors le même rôle que la nudité du « portrait » de Simonetta ou le contour du nuage qui intensifie la pureté de son visage : tous trois rappellent au spectateur qu'il a devant les yeux la représentation d'une vision idéale, une image plutôt qu'un portrait.
Lié à l'idée de mort, le serpent la transcende dans cette œuvre où il caractérise une beauté élevée au rang d'idéal, beauté chaste et marmoréenne d'une Simonetta glorifiée après sa mort, et élevée au rang de celles qui ne cesseront de susciter l'imaginaire des poètes et des artistes.


Servane Dargnies



[1]  Giorgio Vasari, Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, traduction et édition commentée sous la direction d'André Chastel. Arles, Actes sud, 2005

[2] Le tableau, possédé par la famille Vespucci jusqu'au début du XIXème, est acquis en 1941 par F. Reiset, directeur du Louvre, puis par le duc d'Aumale en 1879.

[3] Dennis Geronimus, Piero di Cosimo : visions beautiful and strange, New Haven, Yale university press, 2006

[4] Clovio Giorgio-Giulio, Macedo (dit), Buste de Cléopâtre, 16e siècle. Papier gris, pierre noire, 25x20 cm. Paris, musée du Louvre, D.A.G.

[5] Mina Bacci, Piero di Cosimo. Milano, Bramante editrice, 1966

[6] Dennis Geronimus, op. cit., 2006

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Piero di Lorenzo (1462-1521), dit Piero di Cosimo,
Portrait de femme dit de Simonetta Vespucci. Italie, vers 1480.
Aquarelle, 57 x 42  cm.
Chantilly, musée Condé.





























Clovio Giorgio-Giulio (1498-1578), dit Macedo,
Buste de Cléopâtre
XVIe siècle.
Papier gris, pierre noire,
25 x 20 cm
Paris, musée du Louvre

















Chinard Joseph (1756-1813)
Tête de méduse d'après la méduse Rondanini
 vers 1810
Malmaison, châteaux de Malmaison
 
 
Mise à jour le 31 octobre 2008
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