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Philippe-Alain Michaud

Historien et théoricien de l'art, Philippe-Alain Michaud est Conservateur chargé de la collection des films au Musée national d'art moderne Centre Georges-Pompidou à Paris.

Vous êtes l'auteur du premier ouvrage en français sur Warburg


Philippe-Alain Michaud. Plus que le résultat d'un cheminement, le travail sur Warburg a été de l'ordre de l'interruption dans une recherche qui conduisait de la philosophie vers l'histoire de l'art. Je m'intéressais à la question de la formation du jugement esthétique et me suis rendu compte assez vite que, si l'on posait cette question en termes historiques, il fallait remonter loin dans l'histoire de la formation de la pensée de l'image en Occident, en tout cas largement au-delà du XVIIIe siècle, jusqu' à la crise iconoclaste qui divise Byzance au VIIIe siècle. Je me suis donc orienté vers la byzantinologie pour des questions de théorie des images : j'ai d'ailleurs fait de la querelle iconoclaste mon sujet de thèse, non pas une thèse d'esthétique, mais d'histoire de l'art. Et c'est ce travail, interrompu au moment où j'ai découvert Warburg, que j'ai repris une fois la parenthèse warburgienne refermée. Probablement, il était nécessaire, pour entrer dans la pensée de Warburg, de prendre un peu de distance avec la pensée universitaire - en tout cas, j'en ai ressenti la nécessité.
J'ai donc d'abord commencé par lire les textes publiés en français, à savoir le volume des Essais florentins ;  la traduction était fiable, mais l'édition pas du tout. Pour comprendre ce qui se passait dans les textes de Warburg, il fallait revenir à l'édition allemande, plutôt d'ailleurs aux Ausgwählte Schriften, publiés en fac simile qu'aux Gesammelte Schriften : la mise en page, la construction littérale du texte dans l'espace du livre ou de la revue, le montage du texte et des images a un effet de sens tout à fait singulier dans la pensée de Warburg. Et c'est au moment où je commençais à percevoir les procédures symboliques mises en œuvre par Warburg dans l'élaboration de son texte que j'ai découvert la conférence sur le serpent, qui venait de paraître en allemand pour la première fois. La conférence avait déjà été publiée, mais en anglais et sous une forme incomplète, dans le journal du Warburg Institute en 1938, soit dix ans après la mort de Warburg.

En lisant cette conférence on comprend non seulement que Warburg élargit la question de l'histoire de l'art à l'anthropologie, mais que plus profondément, à un deuxième niveau d'analyse, c'est le travail même de l'historien d'art qu'il entreprend d'élucider à la lumière de l'anthropologie. Le fait d'avoir assisté aux rituels indiens en 1896-1897 lui avait donné des instruments pour penser son objet, la Renaissance florentine, mais aussi pour réfléchir sur sa propre activité  d'historien de l'art.
En 1918, au moment où le conflit mondial se résout avec la défaite de l'Allemagne, Warburg, en proie à de graves troubles mentaux s'éloigne de Hambourg et de la scène intellectuelle et reste reclus dans une clinique Suisse, à Kreuzlingen, où il sera soigné par le psychanalyste Ludwig Binswanger pendant de longues années ; en 1923, il demande à Binswanger l'autorisation de prononcer une conférence pour les patients et les médecins de la clinique, et revient dans cette conférence sur le voyage qu'il a fait vingt-sept ans plus tôt, et auquel, dans ses textes publiés du moins, il n'avait plus fait allusion depuis ;  son voyage cependant avait continué à produire des effets à l'intérieur de son travail et à l'informer secrètement, même si Warburg n'y était jamais revenu explicitement.

Or dans sa conférence (je simplifie), Warburg explique qu'il n'a jamais été malade ( ce qui n'était à l'évidence pas le cas), mais qu'il a toujours pensé comme un Indien. Les Indiens Hopis dont il avait visité les villages au sommet de la Black Mesa, dans le désert d'Arizona  sont des communautés sédentaires, contemplatives, dont l'activité se partage entre la culture de la terre (la culture du maïs) et une activité symbolique qui consiste à convoquer les puissances de la nature par des actions rituelles. Dans le filigrane de sa conférence, Warburg suggère que le travail de l'historien d'art, son propre travail à l'intérieur de la bibliothèque qu'il avait créée à Hambourg, ressemble à celui des Hopis : un travail de récolte de textes et d'images qu'il s'agit de rassembler, de classer et de documenter ; mais aussi de mise en relation de ces documents qui relève d'une activité symbolique comme la convocation de l'éclair, à travers le rituel du serpent, permet aux indiens hopis de faire venir la pluie. Il s'agit de produire des collisions entre les documents écrits et les images, afin de faire naître le sens, comme les Indiens font venir l'orage porteur de pluie en mettant en présence les puissances de la nature.

Et c'est pourquoi vous dites précisément dans votre ouvrage que le rituel du serpent va devenir moins un « objet d'étude » pour Warburg, qu'une véritable « méthode d'exploration ». Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par cette formule ? Quelle place a l'écriture de ce texte dans l'élaboration d'une méthodologie inédite, chez Warburg ?


Au moment d'entreprendre son voyage dans l'Ouest américain, Warburg déclarait : « je veux remplacer l'activité mélancolique du chercheur par une activité plus physique » ; Les déplacements de Warburg à l'intérieur de sa bibliothèque sont des déplacements physiques, comme le déplacement des indiens dans leurs exercices rituels. Tous les chercheurs font d'ailleurs cette expérience, à mille lieux du dispositif qui consiste à penser la recherche comme une activité mélancolique et morbide et derrière la manière dont Warburg conçoit l'activité du chercheur, il y a évidemment l'ombre portée de Nietzsche et du Gai savoir. Ce renversement vitaliste dans la manière de concevoir l'activité du chercheur a deux conséquences : cela signifie d'abord que celui-ci ne se limite plus à interpréter les documents qu'il étudie, mais qu'il peut les transformer. La pensée de Warburg marque  ainsi l'irruption de l'activisme dans l'histoire de l'art, ce qui signifie que le chercheur ne se contente plus de dessiner des phénomènes historiques ou des configurations de savoirs et de les articuler :  il les produit. C'est ainsi qu'en construisant une fiction théorique inouïe, Warburg utilisera son expérience indienne non seulement comme une grille d'interprétation de la Renaissance italienne, mais comme une voie d'accès à sa reproduction, utilisant le déplacement dans l'espace comme une métaphore de l'anamnèse.

Warburg dit en 1923 « j'étais sincèrement dégoûté de l'histoire de l'art esthétisante »


Une histoire de l'art esthétisante, c'est-à-dire articulée sur la question du beau idéal cherchant à déchiffrer dans l'art la traduction sensible d'une forme transcendante... Quand on lit en superficie le texte de Warburg, on a l'impression qu'il respecte absolument les conventions du discours de l'histoire de l'art traditionnelle, qu'il ouvre tout au plus l'histoire de l'art à des données sociologiques, ou politiques, ou encore à l'histoire des savoirs en général et qu'en faisant un usage méthodique des anachronismes, il brouille les vecteurs linéaires de la temporalité. Mais si l'on passe à une strate sous-jacente, si l'on descend à l'intérieur du texte, on s'aperçoit en fait que si Warburg épouse les lois du discours de l'histoire de l'art traditionnelle, c'est pour les pulvériser de l'intérieur : sous l'influence de Nietzsche et de Burckhardt, Warburg déchiffre dans les images de la Renaissance une expression de la volonté de puissance qui traduit, sous une forme tempérée, le désir des commanditaires de se perpétuer à travers leur représentation figurée (« Renaissance » signifie volonté de ne pas cesser de vivre), avant de voir dans ces images, au tournant des années 20 et sous l'influence de Freud, une expression de la pulsion de mort, que celui-ci définissait comme « tendance à l'inorganicité. » Se représenter dans une image, c'est participer de l'inertie des choses et se perpétuer ainsi, indéfiniment. Et c'est précisément dans la conférence de 1923, au moment où il se remémore la performance des clowns danseurs qui interrompt celle des katchinas, que fait irruption à ses yeux la question de la fonction de la pulsion de mort dans l'économie des œuvres.
Warburg voit dans l'histoire de l'art une forme de pensée magique et porte un diagnostic d'anthropologue sur ce qu'il en est de ses discours. C'est précisément le voyage indien qui lui a permis de faire apparaître cette dimension anthropologique dans l'histoire de l'art et ressurgir dans les figures peintes par Ghirlandaio à Santa Trinita les masques katchina qu'il avait vu danser sur la place d'Oraibi. Mais Warburg n'a pas assisté au rituel du serpent qui fait pourtant l'objet central de sa conférence.

Oui, ceci nous a interpellées...


Kiwa





















Warburg a séjourné au printemps dans la Black Mesa, alors que le rituel du serpent se déroule à la fin de l'été, au moment où les orages traversent la région. Quelle importance Warburg accordait-il à ce rituel dont les anthropologues de la Smithsonian Institution, à Washington, lui avaient révélé l'existence ? Dans le premier texte qu'il publie en 1893, consacré à Botticelli, Warburg pose la question de la manière dont les artistes de la Renaissance ont représenté le mouvement. L'apparition de la « forme serpentine » (l'expression apparaît déjà dans le texte d'Alberti), est le symptôme du fait que les artistes se sont intéressés à la représentation du mouvement. Warburg retrouve cette forme (l'archétype de ce qui deviendra pour lui les Pathosformeln, les formules pathétiques de l'expression) dans le traitement de l'enveloppe extérieure des figures, (la chevelures et les voiles soulevés par le vent...) Selon Warburg, l'apparition de la forme serpentine traduit l'irruption d'une pulsion animiste dans la représentation : elle exprime la volonté des artistes d'abolir la limite entre les images et les corps animés. Représenter les corps en mouvement, c'est conduire les figures au seuil de l'animation.

En se rendant aux confins de l'Arizona pour assister au rituel du serpent Warburg voulait précisément voir des figures se mettre en mouvement ; passer de l'autre côté du miroir et entrer dans l'univers des représentations. Le voyage amérindien est porté par un fantasme quasi hypnotique et peut-être cette idée de mettre deux réalités absolument disparates en relation (la Renaissance italienne et les rituels indiens), cette manière de produire des collisions, a-t-elle à voir avec cette activité symbolique qu'il avait observée chez les indiens, qui consiste à mettre les éléments de la nature en contact violent pour produire une réaction, naturelle ou surnaturelle.
Entre les textes où Warburg commence à explorer la question du mouvement dans l'art de la Renaissance et son voyage au Nouveau-Mexique et en Arizona qui date de l'hiver 1895-1896 s'inscrit un épisode dont on a pas toujours mesuré l'importance : la publication d'un texte consacré aux intermèdes montés à Florence en 1589 pour le mariage de Christine de Lorraine et de Ferdinand de Médicis, une série de spectacles créés à l'occasion des fêtes fastueuses qui marquèrent le mariage princier et dont toute la documentation (dessins préparatoires pour les costumes et les décors, notes des scénographes et des architectes, témoignages de spectateurs...) sont conservés dans les archives de Florence. En montant littéralement ces documents, Warburg arrive, d'une certaine manière, au seuil de la reproduction des intermèdes. Or, que sont ces spectacles ? Bien qu'ils se déroulent en 1589, au temps du maniérisme tardif, ils restent pour Warburg une sorte de théâtralisation, de passage à la tridimensionnalité de la peinture de la première Renaissance elle-même conçue comme une résurgence de la mythologie antique. On y voit, par exemple, la naissance de Vénus, montée sur la scène du Palazzo Pitti - exactement comme l'a représentée Botticelli un siècle auparavant. Et dans le rituel du serpent, Warburg ne pouvait pas ne pas reconnaître l'argument du cinquième et dernier intermède, qui représente la lutte d'Apollon et du serpent Python.
Or, le parallèle entre intermèdes et rituels ne s'arrête pas là : Warburg partait aux Etats-Unis pour assister à New York au mariage de son frère avec l'héritière de la banque Solomon-Loeb, mariage qui marquait l'extension de la banque Warburg outre-Atlantique, un mariage princier à l'ère du capitalisme moderne en quelque sorte (la date de son voyage, 1895, est d'ailleurs l'anagramme de celle du mariage de son frère, 1895). Et lorsqu'il quittera New York lassé, dit-il, de ces mondanités, il parlera d' intermezzo' dans son voyage américain : il se produit ainsi une véritable identification entre le voyage, et les spectacles florentins, indentification que l'on peut suivre, étape par étape, à travers les photographies que Warburg a réalisées tout au long de son voyage, les intermèdes étant eux-mêmes une sorte de "réalisation" de la peinture de la première Renaissance - qui reste son véritable horizon.

Mais ce parallèle aurait pu rester un simple fonctionnement analogique ponctuel, à la fois dans une dimension esthétique et personnelle pour lui ? Ce qui est fascinant, c'est qu'il va être à l'origine d'une véritable formalisation conceptuelle, avec toute l'idée de la forme serpentine... Comment en arrive-t-il à cette formalisation, à cette création d'outils conceptuels dont on se sert encore aujourd'hui en iconologie ?


La forme serpentine n'est pas une invention moderne : elle a été problématisée par les théoriciens de l'art de la Renaissance et du maniérisme. Mais elle trouve certainement une signification nouvelle et déplacée dans le travail de Warburg qui s'éclaire de son surgissement, exactement contemporain, dans le premier cinéma : Warburg commence à s'intéresser à la représentation du mouvement au moment où le cinéma est capable de le produire. Et ce n'est évidemment pas un hasard si dans les dix premières années du cinéma, avec Loïe Fuller et toute une suite d'imitatrices, on voit se multiplier les danses serpentines. Warburg ne s'est jamais vraiment intéressé au cinéma au sens technique du terme, il ne s'intéressait ni au tournage des films, ni à leur projection en salle, mais son travail est traversé, de manière toujours plus accentuée, par une pensée de type cinématographique qui culminera avec la méthodologie du montage qui s'élabore dans les planches de Mnemosyne, son dernier projet d' « histoire de l'art sans texte » resté inachevé. En 1901, un opérateur de la Compagnie Edison, James White, filmait le rituel du serpent dans le village de Walpi, sur la Black Mesa. Pendant le rituel, les spectateurs se massent sur le toit des maisons et regardent en contrebas le rituel qui se déroule sur la place et l'opérateur est placé parmi eux.
Après sa conférence de 1923, lorsque Warburg rentre à Hambourg, dans la nouvelle bibliothèque qu'il fait construire à côté de la maison familiale, il stipule que la salle de lecture devra être construite en ovale - comme un rappel de la configuration du cosmos dans la pensée pré-moderne, mais aussi comme la place des villages hopis : la salle de lecture est conçue comme une arène, au-dessus de laquelle s'élève un balcon, depuis lequel les auditeurs assistaient aux conférences. Il y a quelques années, dans la Kunstwissenschaftliche Bibliothek Warburg, on a pu ainsi projeter les films de White depuis le balcon, sur un écran situé dans la salle de lecture, exactement dans l'axe sur lequel les films avaient été tournés. On voyait alors le rituel du serpent ressurgir au fond de la bibliothèque : ce qui montre à quel point l'expérience indienne a informée la pensée de Warburg, jusque dans le lieu même de son élaboration.

Dans votre travail, vous tissez ces liens entre Warburg et le cinéma : vous poursuivez, en un sens, sa méthode de travail qui lui a permis de rapprocher des univers culturels complètement différents, notamment à travers la forme serpentine, qui était vraiment un point d'appui pour rapprocher la Renaissance italienne, le Nouveau-Mexique... Vous poursuivez cette démarche en essayant de l'élargir au cinéma ?


Je n'essaie pas d'appliquer la pensée de Warburg au cinéma, mais plutôt d'utiliser le cinéma comme une forme de pensée. A travers le motif de la forme serpentine, la question de la représentation du mouvement fait irruption dans l'histoire de l'art warburgienne au moment où le cinéma est capable de produire effectivement des figures en mouvement.

Quelque chose nous a frappées, et qui est l'état psychique, quand bien même vous dites que Warburg le niait, dans lequel Warburg écrivait le Rituel du Serpent. Didi-Huberman, dans la préface à votre ouvrage, parle d'une « nécessaire perte de soi », d'une « prise de risque » : est-ce que ce n'est pas justement par la maladie mentale que Warburg expérimente cela, et est-ce que ce n'est pas à partir de ce lieu-là qu'il peut aussi se débarrasser de ses propres a priori culturels, et aller vers une culture autre, la culture hopi ?


Non, je crois qu'on ne peut pas dire cela : quand on voit le dossier médical de Warburg qui a été en partie publié dans un volume intitulé La guérison infinie, on comprend que ça ne va pas du tout ! Je verrais plutôt les choses à l'envers : c'est l'élaboration intellectuelle qui lui permet d'échapper à la maladie, et non l'inverse. Je ne pense pas qu'on puisse dire que la maladie est un passage vers l'autre. Au contraire : c'est plutôt le fait de surmonter la maladie qui lui a donné accès à l'autre absolu auquel il donne le nom de l'indianité.

Nous voulions conclure sur un point que vous avez évoqué : pouvez-vous préciser pourquoi vous considérez que le rapport entre Warburg et le travail de Nietzsche est fondamental ? Dans votre ouvrage, vous citez des passages de Nietzsche, notamment celui où le berger avale le serpent...


Il y a un rapport quasiment iconographique : le rituel du serpent est une sorte d'allégorie zarathoustrienne. Dans la parabole construite par Nietzsche, le serpent pénètre dans la bouche du berger, et Zarathoustra passe au moment où celui-ci se convulse avec ce lourd serpent noir qui s'est glissé entre ses lèvres. Zarathoustra l'encourage à mordre la tête du serpent, et le berger se relève transfiguré. En fait, le rituel ne se déroule pas ainsi : les serpents n'ont pas la tête dans la bouche des danseurs, mais ils sont saisis par le corps, et ce n'est pas une danse convulsive, extatique, mais une danse lente et hypnotique. Cela dit, le thème de la transfiguration est quand même là et cette transfiguration a une double signification du côté de l'objet, et du côté du sujet. Du côté de l'objet, Warburg voit dans les Indiens qui dansent avec un serpent entre les lèvres, un hiéroglyphe du mouvement. Il voit une figure élémentaire construite à partir de l'association entre le corps statique du danseur et le serpent qui se tord entre ses lèvres : la juxtaposition d'une figure mobile avec une figure d'immobilité produit du mouvement : incidemment, on voit comment la question du montage commence à surgir dans le travail de Warburg. Et du côté du sujet, la transfiguration est le pouvoir de produire du sens non plus à partir de l'objet même, mais par un déplacement. C'est-à-dire que l'histoire de l'art se trouve déportée hors d'elle-même.
Après la mort de Warburg, l'histoire du texte warburgien est celle d'un refoulement. Tous ses successeurs ont estompé la figure de Warburg pour privilégier la bibliothèque dans sa fonctionnalité d'institut de recherche... Mais ce n'était plus tout à fait la chose que Warburg avait imaginée. En fait, il avait conçu sa bibliothèque comme une sorte de corps organique, d'image objective de sa pensée. Warburg était une figure menaçante pour sa propre discipline... En cela aussi, il est nietzschéen : il détruit l'histoire de l'art comme Nietzsche la philosophie.

Propos recueillis par Chloé Le Meur et Géraldine Prévot, à Paris, le 10 mai 2008.

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Mise à jour le 2 novembre 2008
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