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Philip Taaffe

Philip Taaffe est peintre.


Philip Taaffe.
Ce qui m'attire dans les sciences naturelles a quelque chose à voir avec le fait que, si on imagine la nature et le monde naturel il y a cinq ou dix siècles, c'était quelque chose d'inconnu, quelque chose de primordial, mystérieux et Philip Taaffe, Vipera Ruseli, 1997. Médiums mixtes sur toile, 112 x 97 cm.insondable dans sa complexité et dans sa densité. Progressivement, année après année, siècle après siècle, nous sommes lentement devenus capables d'identifier, d'apprendre, de décrire et de dessiner des images de ce monde naturel ; c'est pourquoi j'ai très tôt aimé les livres d'histoire naturelle - il y a quelque chose de très poignant dans les  premières descriptions d'animaux. Puis, au XIXe siècle, on a obtenu plus de détails grâce aux sciences du comportement, aux études de plantes, à la compréhension de la pollinisation, des fougères. Je pense aux gens qui étudient ça, petit à petit, qui écrivent des livres pleins de descriptions détaillées du caractère infini de la vie sur terre : c'est à couper le souffle.

Au cours des siècles derniers, l'histoire naturelle mélangeait mystère et science : nous avons perdu beaucoup de ce mystère.
Si je peux fouiller un petit aspect de ce mystère, si je suis capable d'attirer l'attention sur quelque chose que j'ai trouvé, et avec quoi je suis personnellement lié, et si je peux en tirer une œuvre - c'est important pour moi.

Le serpent est un animal omniprésent dans votre bestiaire : qu'il se dresse ou ondule, il est présent dans vos tableaux.  L'élément minimal y est souvent un serpent reproduit plusieurs fois sur la toile - par exemple dans Calligraphic Study I en 1996, Amber Snake Graft en 1997 ou Snake Totem en 1998. - En quoi le serpent se prête-il bien à ce travail de répétition ? Que signifie pour vous cette possibilité de le démultiplier à la fois à la surface de la toile, et dans son champ de profondeur ?

Je suis attiré par les serpents ; j'aime le fait qu'ils appartiennent à deux mondes - le second étant le monde sinistre, diabolique ; tandis que dans le cadre d'une certaine relativité culturelle, ils sont considérés comme divins, ils sont idolâtrés.
- Au début, j'étais principalement attiré par leur potentiel calligraphique. Je voulais qu'ils fassent partie de mon vocabulaire. Le serpent m'impressionne en tant que ligne évocatrice. J'ai essayé de voir comment ce symbolisme simple pourrait être activé dans le genre d'œuvres que je crée et qui sont habituellement plus architecturales. J'en arrive souvent, dans mon travail, à un point où il y a trop de densité, d'accumulations et tant de couches que je sens que je ne peux rien faire de plus ; alors, je laisse simplement venir. Ces serpents me sont apparus au moment où j'avais atteint ce point de sursaturation, et où j'avais besoin d'une approche plus simple de la ligne, de la forme et de moyens de les obtenir avec une immédiateté plus grande.

Dans mon œuvre, tout revient essentiellement à un processus de description. Mon attitude envers la répétition relève de l'effet cumulatif d'applications continues de lignes et de couleurs. Si nous nous concentrons là-dessus, et que nous les voyons comme cristallisées dans des patrons ou des traces, qu'ajoutent-elles ? Elles deviennent une sorte de champs activement structuré. Je considère cette expérience comme une entrée dans un état de transe. Je cherche à m'ouvrir à la possibilité d'une expérience extatique, qui permettrait de dépasser l'état statique. - J'ai des racines irlandaises, et je pense que les traditions chamanistes de la culture celtique constituent l'une des sources sous-jacentes de mon œuvre. Mon travail relève aussi du mouvement, ou de la manière dont la perception se fait dans une série continue d'aperçus. Qu'est-ce que je souhaite que mon art accomplisse ? Est-ce que je m'attends à ce qu'il soit comme une rencontre physique ? Je pense que la meilleure chose que l'on puisse espérer, c'est d'être capable d'entrer dans un autre monde. 

Propos recueillis et traduits par Cyrielle Dodet.

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Mise à jour le 2 novembre 2008
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