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Osiris végétant

Osiris

Ithyphalliques et pioupiesques [...]
Ô flots abracadabrantesques,
Prenez mon cœur, qu'il soit sauvé !
Arthur Rimbaud


(Qui n'es-tu pas, Osiris ?)
Tu es fait de limon du Nil, de sable, de pierres précieuses broyées et de céréales sèches.
On t'a enduit de résines noires : gommes d'acacia et d'oliban, huiles de myrrhe et de térébinthe, mêlées de silice en poudre. Tu mesures cinquante centimètres, la hauteur d'une coudée.
Tu es un dieu ; tu es aussi le pharaon. On t'appelle « L'Éternellement Beau », l'immarcescible. Tu es encore chaque paysan égyptien, chaque mortel. Tu es « Celui qui est à la tête des Occidentaux », le guide des défunts disparus à l'Ouest, avec le soleil.

Lorsqu'on t'a démailloté, tu portais déjà ton masque de cire verte, doré à l'orpiment ; ta bouche était couleur turquoise, ta barbe couleur de lapis-lazuli. Tu portais aussi ta couronne-atef, qui signifie l'état de perfection divine - nafer -, la promesse de ta résurrection en Rê.
Tu es cinq fois ithyphallique ; cinq uraeus - cobras femelles dressés - se distribuent la surface de ton corps. Ton sexe également est dressé ; poussée de désir vert, invocation verticale de la sève, de la germination.
Effigie d'un Sokaris-Osiris des mystères de Khoïak. Tehneh-Akôris (Moyenne Égypte), règne de Néron ou postérieur (54 à 69 ap. J.-C.). Limon du Nil, sable fin et céréales desséchées, 51 x 13 x 12 cm. Lyon, musée des Confluences.
Encore un uraeus, sur ta mitre : ces ithyphalles de cire sont ton attribut, ta gloire, la promesse de ta fécondité. Ils sont surmontés du disque solaire ; le jaillir imminent de ta lumière, la formule de ton devenir en Rê. Tu participes au cérémonial du Mystère d'Osiris, au mois de Khoïak, dernier mois de la crue annuelle. Tu accompagnes le retrait du flot, la réapparition des terres, les semailles neuves de lin, de blé et d'orge. Tu fais un vœu pour que ce sol renaisse.
Avant de te placer dans un caveau, ton « jardin », on a moulé ton dos avec la boue du fleuve. On a semé sur ton corps des céréales dorées ; puis on les a arrosées, patiemment, jusqu'à germination.
On t'a retiré, ensuite, de ton jardin. Tu as subi l'épreuve symbolique de l'hiver. Tes pousses se sont flétries. Sur un lit de momification, on a imprimé ta face, on a reproduit ton effigie. Ensuite les taricheutes t'ont enrobé de bandelettes et tu as glissé, peu à peu, vers le sommeil. Et tous t'ont attendu.(Ton cœur ne bat plus un temps mesurable ; tu perdures)
 
Et à l'aurore du vingt-sixième jour du mois de Khoïak, l'aurore du solstice d'hiver, ta longue nuit laisse place au matin. C'est la sortie de ta gestation, ta résurrection en Lumière.
Il paraît que si l'on se penche sur toi, tout contre toi, on peut t'entendre bruire. On dit que c'est comme une espèce de sifflement, très doux ; on ne sait pas bien s'il vient de tes narines, ou des cobras qui se dressent sur ton corps.

On dit que ça ne crie pas, que ça ne gémit pas : ça chuinte plutôt ; comme le froissement d'un papyrus qu'on roule ; comme la matière de l'homme, tant qu'elle dure.Certains disent que ce bruit est un bruissement de l'âme ; ils racontent que c'est l'âme de l'Égypte ancienne qui nous chuchote une sagesse simple, qui nous chantonne quelque chose de très beau.


Olivier Liron

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Effigie d'un Sokaris-Osiris des mystères de Khoïak
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Tehneh-Akôris (Moyenne Égypte), règne de Néron ou postérieur (54 à 69 ap. J.-C.).
Limon du Nil, sable fin et céréales desséchées, 51 x 13 x 12 cm.
Lyon, musée des Confluences. Détail.
 
 
Mise à jour le 31 octobre 2008
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