Cette peinture sur écorce réalisée en terre d'Arnhem avec des pigments naturels représente le serpent arc-en-ciel.
L'écorce
des peintures de la terre d'Arnhem, au nord de l'Australie, est
extraite du tronc de l'eucalyptus durant la saison des pluies. À cette
époque de l'année (octobre à mars), la sève abondante simplifie le
processus d'extraction. L'écorce est ensuite aplatie puis séchée. La
surface intérieure est poncée et les fibres sont enlevées de la surface
externe.
Les couleurs utilisées par les peintres de la terre d'Arnhem
sont des pigments naturels : ocres rouge et jaune, blanc de kaolin et
noir de charbon.
John Mawurndjul, l'auteur de cette écorce peinte,
appartient au peuple Kuninjku qui vit en terre d'Arnhem. Ce peuple pense
que l'arc-en-ciel qui survient après la pluie est un signe de Ngalyod,
le serpent arc-en-ciel qui provoque la saison des pluies. Au temps du
Rêve, le temps mythique de la création du monde pour le peuple
aborigène, Ngalyod donna naissance aux hommes et aux animaux. Les
aborigènes dessinent cet être fabuleux depuis des milliers d'années sur
des parois rocheuses, sur le sol et sur les écorces. Chaque clan et
chaque artiste a la légitimité pour représenter ses territoires et ses
rêves, et utiliser certains motifs et certaines couleurs.
John
Mawurndjul l'a peint ici enroulé sur lui-même. Les cercles sur son corps
représentent les sites sacrés créés par le serpent ; cette écorce
peinte, ainsi que d'autres peintures de la terre d'Arnhem, peut donc
être interprétée comme une carte, car elle est en étroite relation avec
le paysage concret.
La tête du serpent est pourvue de deux cornes et
d'un mufle blanc : les pouvoirs de métamorphose de Ngalyod sont ainsi
révélés par l'association de plusieurs animaux en une seule créature
hybride qui donne une interprétation très personnelle du serpent
arc-en-ciel. Cette fusion de plusieurs animaux dans la représentation de
Ngalyod permet de manifester ses pouvoirs de métamorphose ; elle permet
aussi, avec la création originale d'un être composite, de réaliser une
image exclusive du serpent arc-en-ciel, qui sera alors associée au clan
de l'artiste.
Caractéristique de la terre d'Arnhem occidentale, la
technique du rarrk qui orne le corps du serpent est un entrecroisement
de fines hachures - un motif composé de trois couleurs rituelles : noir,
blanc, ocre. Ces hachures perturbent la lecture de l'œuvre ; elles
signifient que cette peinture peut faire l'objet d'une double
interprétation, l'une réaliste et l'autre métaphysique, réservée aux
initiés.
Une autre œuvre de John Mawurndjul montre « une Yinarnga
cornue accouchant du python arc-en-ciel Djangkarla sous la forme d'un
kangourou ». Comme Le serpent arc-en-ciel à cornes, cette peinture
requiert une double lecture, car elle représente à la fois un être et un
paysage mythique.
Audrey Baum