New Guinea, beloved New Guinea
What do they say about you ? [...]
New Guinea !
Land of proud warriors of courage
land of ancestral spirits
entangled in myths and incarnations
land of haus tambaran, dukduk and eravo
land of kovave mask and gope boards
land of hiri, kula ring and fire dance
land of a thousand faces and facets
I hardly know you !
Apisai Enos[1]
Cette
œuvre illustre la chanson de Tubishikay et sa rencontre avec le python
surnaturel Riikubu. L'aime-t-il ? L'honore-t-il ? Est-elle vivante ou
trépassée ? Cette création nous amène au cœur de la
Papouasie-Nouvelle-Guinée, aux antipodes de notre vie occidentale, loin
de nos croyances.
La peinture a été réalisée sur une tige de feuille
de sagoutier, par un artiste kwoma du nom de Meyibor. Ce peintre en a
fait cadeau à Ross Bowden, un anthropologue australien, passionné par
les nombreuses cultures de ce pays si riche, où près de mille langues
sont parlées.
... Nouvelle-Guinée, Nouvelle-Guinée bien-aimée,
que dit-on de toi ?
Au
nord de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans les collines de Washkuk, le
pays des Kwoma se distingue par ses créations artistiques atypiques,
colorées, au fort pouvoir symbolique. Ses poteries cérémonielles y sont
particulièrement originales. Les hommes se rassemblent souvent au cœur
de la Maison des hommes, lieu hautement décoré par des dizaines de
peintures ou de sculptures narratives. La démarche de création, au-delà
de son aboutissement visuel fort, est un art de vivre, au cœur de la vie
des hommes. Quant aux peintures, elles ne sont pas décoratives. Ce sont
des représentations où se croisent histoires et mythes. Les artistes
fédèrent à travers leurs œuvres les symboles de leur clan, dans un
vocabulaire stylisé, réservé aux érudits.
Tubishikay, elle aussi,
raconte une histoire : le fond noir graphique, le jaune, le
rouge-orangé sont autant d'indices que nous ne pouvons déchiffrer. La
peinture se fait vocabulaire, verbe, grammaire.
La malheureuse
héroïne se fait prendre au piège par Riikubu le python. Elle mange son
étui pénien, croyant que c'est un poisson. Le python, qui sait tout, la
condamne à devenir sa femme - triste sort pour la jeune fille qu'il
étouffera bientôt. Les os de Tubishikay se transforment en gallinacés,
et ses parents, pour la garder auprès d'eux, les nourrissent puis les
apprivoisent. C'est ainsi, raconte le mythe, que les poules font partie
du bestiaire domestique de Papouasie-Nouvelle-Guinée.
La jeune fille
est représentée bras et jambes écartés. Des ondulations définissent la
peinture dans les parties supérieures et inférieures de l'œuvre, de
petits points rythment l'espace : ils sont visibles sur le corps
ondulant du serpent, sur le visage de l'héroïne. Le serpent l'emprisonne
: il semble se nourrir et venir d'elle. Le style de l'œuvre rappelle
les peintures australiennes dites x-ray, qui montrent l'intérieur des
corps, les âmes.
Cette représentation peut choquer, elle touche à
nos tabous, elle effleure nos non-dits, notre pudeur. Meyibor, le
peintre, raconte un secret à travers ce mythe ; il partage une vision,
mais il ne dévoile pas tout. Il transmet un message codé, réservé aux
initiés.
Pauline Gallard
[1] Apisai Enos,
Sur le dos de la tortue, no 27, décembre 1998,
Papous et Les rêves américains.
Apisai Enos est un des premiers écrivains de Papouasie-Nouvelle-Guinée.