Gérard Haddad.
Christianisme et judaïsme n'ont pas la même lecture de ce passage de la
Genèse. La notion même de péché originel qu'il s'agirait de réparer
n'existe pas dans les textes juifs.
Le christianisme,
déjà, semble donner à ce passage un caractère d'événement réel, même
recouvert d'un habit symbolique. La passion de Jésus sur le Golgotha,
ainsi nommé parce qu'Adam, le premier homme, y aurait été enterré et
dont le crâne ressurgit au moment de la crucifixion, a pour but de
racheter ce péché.
Pour Maïmonide, considérer cette histoire autrement que sur un mode allégorique est inacceptable.
D'autres
passages du Pentateuque occupent dans la conscience du juif une place
plus essentielle, plus actuelle. D'abord le péché du Veau d'Or commis
par des hommes qui ont assisté à tant de miracles ; ou l'épisode des
espions, dont le rapport sur leur mission en Canaan va décourager les
Hébreux et provoquer leur révolte contre Moïse. A cause de quoi, toute
cette génération mourra dans le désert. C'est un bel exemple de cette
faute par lâcheté que Lacan définira comme « reculer devant son désir ».
Cet évènement est commémoré chaque année dans le deuil national du 9
av. J'ajouterai le crime primordial de Caïn tuant son frère.
Comment,
dès lors, interpréter le passage inaugural de la faute d'Adam et Eve
dont le serpent est l'agent ? Ces interprétations peuvent être
multiples. La plus simple est peut-être la suivante. Dans la mesure où
le mosaïsme prend le contre-pied radical de toute la civilisation
païenne qui l'entoure, et compte tenu du culte du serpent, à la fois
celui qui connaît les mystères, en même temps que symbole de guérison et
de fertilité pratiqué par les peuples du Moyen Orient, cet épisode est
une condamnation de ce culte païen qui se maintiendra chez les Hébreux
jusqu'au règne du Roi Ezéchias. Cet épisode est comme un avertissement à
l'endroit de la fascination que peut exercer cette divinité rusée. La
Grèce elle, reprendra le culte du serpent.
Tout ceci nous amène à aborder la question qui a suscité notre rencontre : la place de l'art dans le judaïsme. J'ai été conduit à me poser cette question à la suite d'un travail mené en commun avec mon épouse Antonietta, sur la découverte de la psychanalyse . J'ai été conduit à énoncer cette première thèse : Freud n'aurait pas découvert la psychanalyse si, simultanément, il n'avait pas connu une conversion esthétique, c'est-à-dire la découverte de la dimension de l'art, celle des arts plastiques. C'est son ami Fliess qui initia Freud à cette dimension esthétique.