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Adam et Ève au paradis

Cranach
Cette œuvre de Cranach l'Ancien, qui compte parmi les trente et une peintures réalisées par l'artiste sur le thème de la chute d'Adam et Ève, met en scène une chronologie trouble de l'épisode du péché originel dont le serpent est le pivot. Il est en effet difficile de savoir si ce tableau représente le couple originel avant qu'il ait été tenté par le serpent (Genèse III, 2 à III, 5), ou bien s'il montre ce qu'il advient des pécheurs après qu'ils ont cédé aux incitations de l'animal rusé, car l'Adam et Ève de Cranach semblent avoir déjà découvert qu'ils sont nus, ainsi qu'en témoignent la branche de l'arbre dissimulant le sexe de l'homme et la posture pudique de la femme (Genèse III, 7 et III, 8).
Le tableau fait surtout entendre la parole du serpent  - « Vos yeux s'ouvriront / Vous serez comme Dieu », susurre-t-il à l'oreille des mortels (Genèse, III, 5) - et donne à voir une mue : de la même façon que l'animal quitte sa vieille peau, Adam et Ève qui « ne sont qu'un » (Genèse III, 25), deviennent deux, vivant ainsi sous les yeux du spectateur une expérience proprement reptilienne. Derrière la représentation canonique et tout à fait légitime des corps nus d'Adam et Ève, un arrachement sensuel et érotique se joue.
Si l'épiderme brillant d'Ève éclipse celui d'Adam, inaugurant un (dés)ordre nouveau, le venin du péché les contamine lentement : l'ombre du serpent sépare le corps uni, se glissant malicieusement entre les jambes gauches d'Adam et Ève. Elle apparaît aussi dans la chair même du couple fauteur que l'animal modèle selon sa ligne : le sinueux profil d'Ève fait d'elle un serpent tout entier.Cranach l'Ancien, Adam et Eve au paradis, 1533
Si Cranach a peint des femmes à queue de serpent, respectant de la sorte une convention médiévale de la représentation « féminine » de Satan, la forme en amande de leurs yeux, la légère inclinaison de leurs visages, et surtout leur localisation dans l'espace du tableau les rapproche l'un de l'autre, de telle sorte que le serpent tend à devenir miroir de la femme - ou la femme, miroir du serpent.
Ayant arraché le fruit de l'arbre de la connaissance dans ce jardin qui rappelle celui des Hespérides, et où apparaissent un cerf et un lion, symboles des ordres de la Création, Ève dépose la pomme dans le creux de la main d'Adam, qui la reçoit plus qu'il ne la saisit. Cette manipulation conjointe et sacrilège du fruit défendu suggère la dégustation à venir. Le serpent « coudé » passe alors d'Ève à Adam, pénétrant imperceptiblement le corps masculin : les mains de l'homme et de la femme s'enroulent autour de la pomme comme le serpent étreint la branche de son corps ondulé. De la main droite d'Adam à la main gauche d'Ève, un serpent à quatre bras enlace les pécheurs.
Avant d'être sur l'arbre, le serpent était en eux.

Thibaud Croisy

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Lucas Cranach (l'Ancien), Adam et Ève au paradis, 1533. Huile sur bois, hauteur 513 cm. Berlin, Gemäldegalerie. © BPK, Berlin, Dist RMN - Jörg P. Anders

















 

Lucas Cranach (l'Ancien), Adam et Ève au paradis ou Le Péché originel, 1533. Huile sur bois, hauteur 50 x 35 cm. Berlin, Gemäldegalerie. © BPK, Berlin, Dist RMN - Jörg P. Anders

 
 
Mise à jour le 28 octobre 2008
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